Contrat de travail à temps plein et clause d’exclusivité d’activité: attention à la rédaction

Les contrats de travail contiennent fréquemment des clauses d’exclusivité d’activité pour les salariés à temps complet.

La cour de cassation vient de rendre une décision intéressante qui sanctionne sévèrement une entreprise ayant imposé à son salarié une clause d’exclusivité trop générale (Cassation Sociale, 16 mai 2018, n° 16-25 272, Wolters Kluwer France).

Un salarié est engagé par une société d’édition et de vente d’ouvrages professionnels et son contrat de travail comprend une clause lui imposant une obligation de solliciter préalablement l’autorisation de son employeur. à toute activité complémentaire.

La clause est rédigée ainsi : « Monsieur … s’engage expressément à demander l’autorisation de la société pour toute activité complémentaire qu’il souhaiterait occuper. ».

Il fait l’objet d’un licenciement, son employeur lui reprochant d’avoir contrevenu aux dispositions contractuelles prévues à son contrat de travail et plus généralement à son obligation de loyauté vis-à-vis de son employeur.

Les faits sont les suivants : le salarié n’avait pas sollicité l’autorisation de son employeur avant de créer sa propre société de vente en ligne de vêtements, société qui avait été immatriculée et qui effectivement fonctionnait.

Le salarié conteste son licenciement et la cour d’appel considère que le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse, retenant que le contrat de travail porte atteinte aux libertés garanties par l’article L. 1121-1 du code du travail.

En effet, cet article prévoit que « nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnées au but recherché. ».

Le salarié était engagé à temps complet et était donc soumis à une obligation de loyauté qui se traduit concrètement par une interdiction de porter atteinte aux intérêts légitimes de son employeur et de lui faire concurrence.

La cour d’appel d’Orléans a jugé la clause illicite et a été confortée par la cour de cassation dans cette analyse, celle-ci énonçant que : « Ayant constaté que la clause d’exclusivité était rédigée en termes généraux et imprécis ne spécifiant pas les contours de l’activité complémentaire qui serait envisagée par le salarié, activité bénévole ou lucrative, professionnelle ou de loisirs et qui ne permettait pas dès lors de limiter son champ d’application ni de vérifier si la restriction à la liberté de travail était justifiée et proportionnée, la cour d’appel, qui n’avait pas procédé à une recherche inopérante au vu de ces constatations a légalement justifié sa décision ».

Le licenciement a donc été jugé sans cause réelle et sérieuse, et le salarié a obtenu 60 000 € de dommages et intérêts.

La clause d’exclusivité doit être justifiée, c’est-à-dire exprimer en quoi et pour quelle raison l’employeur entend apporter une restriction aux possibilités d’activité du salarié, et bien évidemment cantonner ces restrictions à des domaines, qu’il s’agisse d’activités lucratives ou bénévoles, du même secteur d’activité ou au contraire plus générales.

Bien évidemment, le bien-fondé de ces restrictions sera soumis au contrôle du juge.